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SÉRIE: Entre le bruit et le silence PARTIE 2: Quand la maîtrise devient une cage

La section suivante est l'introduction de la série et répétée de la partie 1. Vous pouvez sauter cette section si vous l'avez déjà lu.

Quand le silence devient un espace

Le silence dont je parle n’est pas l’absence de sons.C’est l’absence de ce qui encombre la conscience — le vacarme des attentes, des comparaisons, des jugements.C’est un silence intérieur, fragile et mouvant, qu’on ne trouve pas en coupant tout bruit, mais en se retirant un instant du tumulte.

Je peux écouter de la musique, un livre audio ou le vent dehors — peu importe.Ce silence-là ne dépend pas de l’environnement, mais de l’intention : celle de créer à partir d’un lieu sincère et authentique,sans chercher à répondre à une norme ou à plaire.C’est une forme d’écoute active : écouter ce qui monte, même si c’est flou, vulnérable ou inconfortable.

Créer, pour moi, c’est tenter de revenir à cet endroit —celui où le bruit extérieur se tait assez pour laisser émerger une présence plus juste.


J'ai peint cet oiseau sur le bord de l'envol, malgré le cliché, cette image complète bien le titre.
J'ai peint cet oiseau sur le bord de l'envol, malgré le cliché, cette image complète bien le titre.

PARTIE 2: Quand la maîtrise devient une cage


Le retour à soi

Après des années de cours de dessin, de peinture et de sculpture,

j’étais devenue habile à produire ce qu’on attendait de moi.

Mes œuvres étaient solides, « belles ».

Mais leur message était filtré, contrôlé, comme s’il passait à travers un tamis invisible.


Sous cette apparente maîtrise, une tension montait — une colère sourde.

À chaque censure subtile, à chaque redirection, elle se faisait plus présente.


Le critique : Ce n’est pas assez. Pas encore.

Moi : Pourquoi cette colère ? Pourquoi ce malaise ?

Le critique : Continue. Travaille. Ne t’écoute pas trop. Les profs savent mieux, non ?

Moi : Laisse-moi sortir !


Alors, j’ai écouté mon système d’alarme.

J’ai mis les cours en pause — non pas pour fuir, mais pour laisser parler cette voix que j’avais tant de fois ignorée.

Et dans mon atelier, enfin seule, le silence s’est installé.


La culpabilité

Puis un autre visiteur s’est imposé : la culpabilité.

Celle de prendre du temps pour moi, pour mon art.


Le critique : Tu n’es pas Rembrandt. Tu devrais faire quelque chose de plus utile.Retourne à la norme. À la fatigue. Tu seras légitime dans l’épuisement.


Mais malgré ces pensées, je savais que je devais continuer.

Pendant des mois, j’ai expérimenté, tâtonné, cherché un rythme.

Je me déchirais entre cette voix exigeante, la culpabilité et ce qui cherchait à renaître.


Peu à peu, j’ai compris que je ne pouvais pas les faire taire.

Il fallait apprendre à les distinguer, à reconnaître leur présence

pour pouvoir continuer — malgré le critique et malgré le doute.


La voix du doute

J’ai longtemps cru que la maîtrise me protégeait de l’inconfort.

Elle me donnait l’impression de savoir où je mettais les pieds — de tenir les choses entre mes mains.

Mais avec le temps, j’ai compris qu’elle servait surtout de paravent :

une façon élégante d’éviter le doute, la peur de ne pas être à la hauteur,

ou celle, plus discrète, de me tromper.


Le doute, lui, revient toujours.

C’est ma façon instinctive de me protéger, de retarder le moment où je dois choisir,m’exposer, prendre position.

Je questionne, je précise, j’ajuste — jusqu’à parfois étouffer le geste initial.


Et pourtant, créer, c’est justement cela : décider, essayer, se tromper,recommencer.

Chaque décision, même imparfaite, trace une direction.

Elle transforme le doute en mouvement.


Aujourd’hui, je comprends que l’inconfort ne disparaît jamais.

Il change simplement de visage :celui du critique, de la culpabilité, du doute,

mais aussi de l’exploration.


Apprendre à écouter ces voix sans leur obéir aveuglément,

c’est apprendre à poser des gestes alignés avec moi —

et non sous la pression de leurs exigences.


Trouver un rythme — entre structure et liberté

Avec le temps, j’ai trouvé un certain équilibre.

J’ai besoin de variété, mais aussi de structure :

une routine simple, qui soutient sans étouffer.

Elle m’aide à éliminer le superflu, à libérer de l’espace mental pour créer.


Mais surtout, j’ai besoin de solitude —

en atelier, mais aussi dans la nature.

Des moments sans attentes, sans jugements, sans regards, sans doutes.


Le critique : Tu devrais être avec les autres comme les autres, apprendre plus, produire plus.

La petite voix : Je ne m’isole pas. J’écoute.


C’est dans ces moments calmes que mon monde intérieur se met à parler —

parfois par des images, parfois par des émotions, rarement par des mots.

Et souvent, c’est suffisant.


Quand la technique cesse d’être un mur

Je me souviens d’une professeure à qui j’avais demandé :

« Quand est-ce qu’on arrête de pousser la technique ? »

Elle avait répondu :

The technique needs to be good enough not to get in the way of your message.


Cette phrase m’habite encore aujourd’hui.

Elle m’a aidée à remettre la technique à sa juste place : un appui, pas une armure.

Je dois être curieuse, explorer et maîtriser différentes techniques pour mener ma vision à terme. Par contre, la technique c’est ce qui rend beau, c’est séduisant, c’est l’enveloppe, ce n’est pas l’essentiel, ce n’est pas le message.


Le critique : Attention, ce n’est pas parfait.

La petite voix : Justement. C’est vivant.


Apprivoiser le flou

Avec la solitude, la nature et l’atelier, je me crée un espace habité et sécurisant.

C’est dans cette sécurité-là que je peux m’autoriser à être vulnérable,

à tourner vers moi cette empathie que j’offre si facilement aux autres,

à m’approcher doucement de ce qui cherche à être dit.


Le critique : Et si ce n’était pas assez ?

Moi : Peut-être.

La petite voix : C’est déjà un début et c’est moi.


Conclusion — Le retour à soi

La colère, celle qui bouillonnait sous la surface, m’a conduite à chercher plus loin que la technique.

Elle m’a ramenée à moi.Elle m’a forcée à écouter ma voix —

pas celle qui crie, mais celle qui chuchote sous le bruit.


Créer, c’est accepter de vivre dans cet espace mouvant —

entre la critique, la culpabilité, le doute et la voix,

entre la peur et la confiance,entre le bruit et le silence.


Le critique : Tu crois que ça suffira ?

La petite voix : Oui. Pour aujourd’hui, oui.


 
 
 

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